Le Kaffabar
Même à Gand et à Anvers, chefs de file lorsqu’il s’agit des nouvelles tendances gustatives – pensons aux cocktails et autres gin tonics, on voit poindre déjà depuis quelques années des établissements qui n’ont rien à envier aux meilleurs coffee bars newyorkais. C’est donc avec plaisir que Bruxelles accueille le Kaffabar, un bar à café qui snobbe les Starbucks-like et leur tsunamis de chantilly, pour se concentrer sur l’essentiel : un café frais, de qualité, bien servi.
Un financier pour un café ?
Une combinaison exquise lorsqu’il s’agit de pâtisserie, mais tout aussi convaincante lorsqu’il s’agit du profil de Marc Daniels. Le propriétaire des lieux travaillait en effet dans le secteur bancaire avant d’ouvrir son établissement.
J’avais déjà l’impression que le secteur bancaire ne me convenait pas, je ne m’y sentais pas bien. Après la crise financière, la société de capital-investissement où je travaillais a été réorganisée : cela ne me convenait plus et je devais choisir : soit je restais en gagnant bien ma vie mais je risquais de vieillir amer, soit j’opérais un changement drastique. J’ai choisis la deuxième option.
Et les amateurs de café lui en sont reconnaissants ! Bien sûr, on ne devient pas barista du jour au lendemain. C’est à l’Horeca Expo de Gand que Marc découvre le monde du café plus en profondeur. Et cela lui plaît : il enchaîne les cours de barista avant de suivre la formation complète de l’International Tea & Coffee Academy aux Pays-Bas où tous les aspects du café sont abordés :
D’où vient le café ? Comment le travaille-t-on ? Commen faut-il le torréfier ? Comment servir le meilleur espresso ? Le meilleur slow coffee ? On y prépare aussi des cocktails et certains autres sujets sont abordés tels que l’étude du lait, le thé… la totale ! Et cela ne faisait que m’enthousiasmer davantage.
Après la formation, Marc travaille un temps dans un établissement pour mettre en pratique ses connaissances. Mais l’idée d’ouvrir son propre bar à café le taraude depuis un petit moment. Un jour, en se balladant avec Marcel, la mascotte du bar, il tombe sur ce lieu inoccupé place Rouppe : l’aventure pouvait enfin commencer !
La place de ce quartier populaire accueille déjà plusieurs établissements, du prestigieux Comme Chez Soi au bar estudiantin L’Ébrius, et le Kaffabar s’inscrit naturellement dans ce paysage bigarré. Il propose un lieu où l’on peut bavarder, lire le journal, organiser une réunion, en buvant un bon café.
Du café et de l’inspiration
Le café est torréfié par MOK, un micro-torréfacteur basé à Louvain, dont on peut savourer le savoir-faire dans le bar éponyme à Louvain et plus récemment à Bruxelles, rue Dansaert. C’est lors d’un concours de cupping, à savoir un tasting de cafés2, que Marc fait la connaissance de Jens, torréfacteur et barista de MOK, et qu’ils commencent leur collabaration.
À ce fournisseur de qualité, s’ajoute l’expérience du barista bien sûr. Comment reconnaît-on un café frais ?
Au goût bien sûr. Mais on le voit déjà lors de l’écoulement de l’espresso : s’il est beau, crémeux, d’une couleur charmeuse… Pareil avec le slow coffee : au premier versage, lorsque le café est frais, il y a un dégazage et des petites bulles se forment au dessus. Lorsque le café n’est plus frais, ce dégazage n’est plus présent et le café forme une masse plate sans bulles.
La connaissance du produit est essentielle. Marc a non seulement suivi des cours avec Peter Hernou, un autre barista de renom et ambassadeur chez Callebaut, il suit également les tendances du métier sur internet et dans la presse spécialisée, mentionnant le magazine koffieTcacao ou encore la boutique spécialisée The Coffeevine. Tout comme il n’hésite pas à s’évader au London Coffee Festival, à l’Amsterdam Coffee Festival, ou simplement à faire des escapades dans ces villes pour tester la carte des meilleurs coffeehouses.
J’ai été à Londres au Shoreditch Grind : en journée c’est un bar à café et le soir ça devient un bar à cocktail, ça donne de bonnes idées. Les différents blogs spécialisés m’inspirent des combinaisons comme pamplemousse rose avec miel, citron vert et eau pétillante… Quand tu vois ça, tu as tout de suite envie d’essayer et de rajouter une petite touche.
Même recette pour les sandwichs que le bar propose : un voyage en Espagne amène la tortilla et le sandwich au crabe sur la carte, côtoyant les compositions à la burrata et à la spianata calabraise.
Marc, ton café préféré ?
Double espresso. Classique. J’en bois presque jamais avec du lait. Je n’attends absolument aucune amertume dans le café. Une légère acidité, un chouïa de sucrosité. Un délicieux café kényan ou alors moins fruité, un café colombien. Ou alors un Geisha du Panama mais ce sont bien sûr des cafés plus chers. Parfois j’opte pour un indonésien : certains sont délicieux, généralement plus corsés, moyennement épicés.
Tout le monde est le bienvenu au Kaffabar, même ceux qui ne sont pas des passionnés de café. Marc lui-même nous confesse que lorsque le sommelier vient à sa table dans une maison de prestige, il laisse ses amis choisir ! En revanche, pour les nerds, ils ont le choix entre un single origin et un blend maison pour l’espresso.
Le bar propose également du slow coffee3, qui connaît un engouement croissant à Bruxelles.
On peut comparer le slow coffee avec le café traditionnel que faisaient nos grand-mères. Le procédé le plus simple est le V60, mais il y en a des plus raffinés comme le Kalita, le Chemex, où l’on va employer des filtres bien précis, modifiant ainsi l’écoulement du café.
Les stries sur le bord du flacon d’un V60 par exemple vont influencer le goût et la dilution du café, le rendant plus léger et plus doux. Avec un Aeropress, poursuit Marc, le goût sera autre : un client peut vouloir l’intensité d’un espresso, mais aussi désirer cette douceur particulière du slow coffee et donc dans ce cas un French press4 ou un Aeropress est un bon compromis.
S’il veut un café plus léger, plus dans le style d’un thé, alors un Chemex est un excellent choix : la température adoucie permet aux arômes de se développer. De plus le client ne veut pas toujours un espresso ou une boisson lactée. Avec un Chemex ou un V60 on obtient aussi plus de volume ce qui plaît à certains clients qui aiment rester plus longtemps avec leur boisson, tandis qu’un espresso se boit en 10 secondes.
Marc choisit la méthode qui convient le mieux à chaque mouture, pour obtenir le meilleur goût.
Généralement, si je détecte des notes fruitées et acides j’opte plutôt pour un v60 ou un Chemex, dans le cas contraire pour l’espresso, mais ce n’est pas toujours aussi simple bien sûr !
Envie d’autre chose ?
L’établissement propose également une sélection de thés asiatiques : Sencha japonais, thé blanc et Oolong chinois, thé noir indien… tout comme quelques infusions.Les chocolats chauds, lactés ou non, sont aussi des crus sélectionnés : Arriba, Java, Madagascar et Equateur au menu. Quelques vins, des gins de qualité, des cocktails chauds et froids, des en-cas appétissants complètent une carte déjà bien fournie. Marc nous confie que cela lui permet de “piéger” certains clients : venus pour un cappucino, ils finissent par rester pour l’apéro. Avec nous du moins, cela fonctionne !
Lorsque qu’on lui demande les inconvénients de son nouveau métier, Marc pointe la paperasse :
On en a jamais fini. Il y a toujours un truc à faire en plus, même quand le côté café est terminé, il y a encore les factures, les papiers… C’est un métier très gratifiant, mais aussi fatigant parce qu’on en finit jamais.
Et dans quelle mesure est-ce gratifiant ?
Financièrement, cela ne vous rendra pas riche ! Mais heureux certainement, lorsque vous voyez des gens qui reviennent une fois, et puis régulièrement. C’est aussi souvent un métier agréable, on voit les gens lire, passer un bon moment, des amis vous rendent visite, cela vous rend heureux. C’est différent de quand j’étais toute la journée devant un écran, avec à peine un bonjour et un aurevoir enfin de journée. Ce n’était pas moi. Tandis que maintenant, le contact avec le client, même un simple “comment allez-vous ?”, cela fait un bien fou.