Entretien avec Guillaume Leblanc
Dans le cadre de la Brussels Cocktail Week, Grain d’Ivresse part à la rencontre des barmen invités pour cette semaine de folie. Guillaume Leblanc officie depuis 4 ans à Paris au Dirty Dick, où il est devenu une des références à force de nous régaler de cocktails tikis.
– Guillaume, qu’est-ce qui t’a amené derrière un comptoir de bar à cocktail ?
Pour moi, le cocktail c’est toute ma vie. J’ai voulu tenir un bar depuis ma jeunesse car mon parrain était propriétaire de bistrots a Paris (Aux Tonneaux des Halles et après Le petit Choiseul): je voulais être comme lui plus tard… Donc école hôtelière en guise de lycée et mention complémentaire barman en 2004 .
Je suis passé des bars d’hôtel de luxe aux indépendants comme l’Experimental Group (qui se sont spécialisés récemment dans les hôtels ) et Liquid Corp où j’ai pris la direction du Dirty Dick il y a maintenant 4 ans. J’ai vu et vécu le revival de la scène bar en France : il y a 15 ans, ce n’était pas aussi diversifié, créatif et communautaire. Je suis très heureux de ce qu’on a tous pu faire pour en arriver là aujourd’hui.
– Depuis 4 ans tu es au Dirty Dick, raconte-nous, quel type de bar est-ce ?
4 ans déjà, l’unique tiki bar de Paris et premier tiki bar de France. Nous promouvons et respectons la pop culture tiki1, c’est-à-dire post-prohibition, dès 1934, jusqu’aux années 70, les hippies et donc la contre culture. Nous apportons beaucoup d’importance à retranscrire les goûts originaux des cocktails de l’époque via la fraîcheur des fruits et les préparations maison. On est devenu un “high volume cocktail bar” par Tales Of The Cocktails à la Nouvelle-Orléans pour la taille de notre bar.
– Comment se passe la scène cocktail à Paris ? Connais-tu un peu la scène de notre Plat Pays ?
La scène parisienne a beaucoup évolué depuis 10 ans ; j’inclus le reste de la France aussi car beaucoup d’autres villes ont pris le pas (Lyon, Montpellier ou Marseille par exemple). Les barmans français basent beaucoup leurs cocktails et créations sur la qualité des ingrédients et la saisonnalité, quelque chose qui rejoint directement la gastronomie … française. Je n’ai pas fait assez de bars pour parler de Bruxelles, mais j’ai trouvé très cool l’année dernière les guests2 au Green Lab et au Stoefer. L’ambiance est plus chaleureuse et détendue qu’à Paris.
– Que nous prépares-tu de bon pour ton retour sur Bruxelles d’ailleurs ?
Cette année, deux marques italiennes haut de gamme (“Nardini” et “Del Professore”) m’ont donné leur confiance : ça a été un joli challenge d’inventer des cocktails avec ces produits. Je revisite l’amaretto sour en mode premium : à la place de l’amaretto, le sirop de gaufre que j’avais créé l’année dernière, retravaillé avec de la vanille. Il y aura aussi un punch clarifié au lait… Technique que j’affectionne particulièrement et qui me rendra célèbre un jour C’est facile à déguster, très accessible et je m’amuse beaucoup à le préparer. Pour l’occasion, j’ai appelé le cocktail
“Makewai Houaloha” traduit de l’hawaïen Copain Assoiffés, clin d’œil au bar qui me reçoit (Copain, ndlr). Deux autres choses : cette année, j’ai choisi de limiter les agrumes dans mes cocktails et privilégier le pamplemousse que j’affectionne particulièrement. Et avec le souci de limiter les déchets et tirer profit au max des produits utilisés, je réutilise le moût de mon jus d’ananas dans le milk punch et je macère les graines de fruits de la passion dans le vermouth pour le “Shaman Wailele”.
– D’où tires-tu ton inspiration ? Quels produits aimes-tu utiliser ?
J’aime faire ce que je veux et j’ai bien souvent des idées. En fonction du moment ou de l’événement, je me lance. Il est facile de revisiter des cocktails quand tu comprends leurs mesures ; après c’est toi et ce que tu veux donner comme expérience qui entre en jeu. J’aime vraiment beaucoup de choses et je suis un grand fan de poiré, un produit exclusif de ma région : la Normandie. D’ailleurs, je vous ferai découvrir ce cidre naturel à base de poire uniquement dans une des créations de cette année.
– Toi qui en rêve depuis qu’il est gosse, les pour et les contre de cette vocation ?
Ce que j’aime le plus dans mon métier, c’est la recherche et la création. Découvrir de nouveaux goûts ou en redécouvrir d’autres, créer des cocktails avec des produits aussi bien nationaux qu’exotiques dans le sens large du terme. Avec le temps, je supporte malheureusement de moins en moins la mauvaise foi ou les mauvaises démarches de nos clients, ça peut beaucoup m’ennuyer et me frustrer quand des personnes sous-estiment le dur travail produit chaque jour par mon équipe et moi.
– Depuis 13 ans que tu fais ce boulot à temps plein, qu’est-ce qui te plaît le plus et le moins dans cette carrière ?
Ce que j’aime, c’est les clients, la créativité, l’enthousiasme sans borne des barmans professionnels. En revanche, j’apprécie moins quand certaines marques ou certains médias profitent de cet enthousiasme pour utiliser les barmans sans les payer justement pour leur temps et leurs efforts.
– Vers où va la scène cocktail d’après toi ?
Je pense que la limitation des déchets et l’abandon au maximum du plastique vont passer de mode à un réel besoin. Cela devrait par souci de conscience devenir de plus en plus important. Il faut être reconnaissant pour la chance que l’on a aujourd’hui et préparer demain : c’est aussi quelque chose que mon grand-père m’a inculqué. Je redécouvre la création artistique au niveau de la verrerie et de la décoration, qui prendront de plus en plus d’importance. De notre côté pour l’esthétisme et du côté client pour les réseaux sociaux, on est dans une société visuelle paraît-il.
– Merci Guillaume, à bientôt au Dirty Dick !
Ce n’est pas tout !
Retrouvez Guillaume Leblanc chez Copain pour un guest haut en couleurs et en bonne humeur !
Et la prochaine fois que vous descendez à Paris, n’hésitez pas à passer le voir au Dirty Dick !