Le vermouth, ce mammouth ?
Une pointe d’absinthe
Le vermouth est un vin aromatisé, fortifié par une adjonction d’alcool, sous forme d’eau-de-vie ou de mistelle. Selon la loi européenne, il doit être constitué d’au moins 75% de vin, titrer entre 14,5 et 21% et être aromatisé à différentes plantes, dont obligatoirement de l’Artemisia1. Allant d’un liquide pâle et translucide au rouge caramel intense, du sec au liquoreux doux, le vermouth regroupe une gamme de boissons aux profils très versatiles2.
Vermouth vient de l’ancien allemand wermut, absinthe. Car si on doit trouver un point commun, c’est sans doute celui-là. L’ascendance du vermouth remonte loin, en ligne directe des médecines antiques3 en passant par les monastères chrétiens, il est un des descendants des vins amers toniques, vins médicinaux aromatisés aux plantes, épices, racines comme la gentiane, la cardamome, la camomille ou l’absinthe. Cette dernière est encore obligatoire aujourd’hui pour obtenir l’appellation en Europe.
Le Rouge et le Blanc
Si l’histoire de ces breuvages est vieille comme celle du vin, l’histoire commerciale du vermouth et son développement comme produit de plaisir débute en Italie, à Turin, avec le marchand Antonio Benedetto Carpano. Celui-ci, s’inspirant de la coutume piémontaise de créer ses vermouths maison, ouvre la première distillerie en 1786 et positionne son vermouth comme un produit de qualité. Il sera suivi par de nombreux autres concurrents, dont certains existent encore aujourd’hui : Cinzano ouvre ses portes en 1816 et Martini & Rossi en 1863.
Le vermouth de Turin est donc le premier vermouth commercialisé. Rouge, moyennement amer et plutôt doux, c’est de lui qu’on parle quand on demande un vermouth italien, un sweet vermouth (vermouth doux) ou un vermut rosso (vermouth rouge). Carpano existe toujours (Carpano classico), mais de nombreuses autres marques se partagent le marché, avec chacune sa recette unique: Gancia, Mancino, Alessio, Contratto,…
Le deuxième style le plus ancien à s’être imposé commercialement est le vermouth blanc, dit aussi vermouth français ou dry vermouth (vermouth sec). C’est en effet dans le sud de la France, à Marseillan, que Joseph Noilly concocte le Noilly Prat en 1813. Ensuite, en 1821, Joseph Chavasse invente le vermouth de Chambéry avec le Dolin. Si à Marseille comme à Chambery, d’autres producteurs ont existé, ces deux maisons fondatrices sont aujourd’hui les dernières représentantes de leurs styles respectifs dans la région4.
Le chouchou des cocktails
Le vermouth prend donc son essor durant le XIXème, et explose avec la scène des cocktails de l’époque. Les barmans américains en mettent dans toutes leurs créations de l’époque, dont les ancêtres du Manhattan et du Martini5. Après la prohibition et la deuxième guerre mondiale, dans les pays anglo-saxons, les goûts pour des cocktails plus secs et l’envolée de la vodka vont contribuer à déprécier le vermouth qui commence à prendre la poussière6. En France, le vermouth résiste même s’il est, comme les autres apéritifs, associé à une image vieillotte. Sa baisse de popularité contribuera à la disparition de nombreuses maisons, ne subsistant que quelques grandes marques. Seule l’Italie et son aperitivo garde la passion de ses vermouths. En Espagne, le produit garde la côte dans les bars à la pompe.
Mais le vermouth n’a pas dit son dernier mot. Avec le renouveau de la scène cocktail, le vermouth revient à la mode dans les pays où on l’avait écarté. La boisson se diversifie. Des vermouths rosés, dorés, ou blancs doux 7 apparaissent, et chaque maison propose un représentant de chaque style8. Des nouveaux fabricants arrivent sur le marché, notamment aux Etats-Unis avec des vermouth sans absinthe: Vya, Atsby ou Imbue.
Shaken, not stirred9
Le vermouth est connu pour son utilisation dans moult cocktails classiques. Impossible de faire un Negroni sans un vermouth italien ou un Martini sans un vermouth français. Mais rien n’empêche de le boire seul, sur glace, avec une tranche de citron ou d’orange, voire tout simplement sec.
C’est également un indispensable dans votre cuisine, dans un risotto par exemple. Mais n’oubliez pas que le vermouth est un vin… Même fortifié, une fois la bouteille ouverte, il commencera à s’oxyder. Le mieux est de le traiter comme une bouteille de vin non terminée : bien fermée et au frigo. Quoiqu’il arrive, après un mois, le vermouth commencera à perdre ses qualités organoleptiques10. Il est donc sans doute temps de jeter cette bouteille qui traîne dans votre placard depuis 4 ans !
All you need is vermut
Le vermouth s’est longtemps résumé chez nous à une marque emblématique. Le blason redoré, la tête haute, il revient par la grande porte dans les bars. N’hésitez pas à en goûter de tout style et de différentes maisons pour dénicher la recette qui vous fera chavirer. Alors ce grain d’ivresse… sec, sur glace, ou plutôt Hanky Panky ?
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Intéressé par le vermouth? Dans le cadre de la Brussels Cocktail Week 2017, n’hésitez pas à faire un tour le vendredi 15 septembre au Cipiace, le plus italien des bars à cocktail de Bruxelles, pour leur Notte Italiana. En guest, Leonardo Leuci du Jerry Thomas Project Rome, un des créateurs du vermouth Del Professore.
Tout le long de la semaine, vous pourrez également suivre le fil rouge Negroni dans tous les bars participants où le célèbre cocktail classique sera décliné en autant de versions originales.